ACTUALITES ET BEAUCOUP PLUS

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Livre de Michel Straugof "MH17" Chapitre 2

 

2 - Un peu d'Histoire.

 

 

Il n'est bien sûr pas question de développer ici une étude exhaustive de l'histoire de l'Ukraine - théâtre de ce drame aérien – mais évoquer celle se déroulant depuis sa sortie de l'ex-URSS, semble un point de départ nécessaire. Rien ne vaut une plongée dans ce contexte, pour en comprendre les différents aspects... et ce qui arriva ce 17 juillet 2014.

 

Parler de l'Ukraine comme d'un État historiquement «indépendant», est une plaisanterie, très en vogue de nos jours en Occident, mais reste malgré tout une plaisanterie. Avant 1991, ce pays n'exista uniquement selon la volonté allemande, que durant une courte période, entre l’effondrement de l’Empire russe tsariste et la création de la Russie bolchevique, future Union soviétique. Côté allemand, grâce à la paix humiliante de Brest-Litovsk qu'ils imposèrent à la Russie après le décret sur la paix de Lénine, on supprimait, le risque de reprise d'un second front, permettant de reporter le plus gros des troupes côté français. Encore moins glorieux, après son invasion par les Allemands en 1941, la participation volontaire des fascistes ukrainiens, principalement de l'ouest du pays, aux massacres des populations juives et à la traque des partisans de leur nation, l'URSS. 34 000 assassinés en 36 heures à Babi Yar à Kiev. Tranches d'Histoire quelque peu oubliées dans le bruissement médiatique mettant ce pays sur la sellette, à l'occasion du coup d’État de février 2014, puis de ce crash.

 

Lieu de passage des invasions durant des siècles, le territoire correspondant à l'Ukraine fut successivement aux mains des Mongols, des Polonais et des Lituaniens. Russes, Ukrainiens et Biélorusses sont tous des descendants de l’ancienne Rus de Kiev, aux contours aussi imprécis que la définition d'une nation à cette époque. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Russie). Les tribus slaves et autres, réparties sur ce vaste territoire – de LadogaNovgorod et Pskov à Kiev et Tchernigov – étaient unies par une langue correspondant à ce qu'on pourrait appeler actuellement le vieux russe. Ce fut le plus grand État d’Europe durant la période allant du 9ème au 12ème siècle, en faisant une des principales puissance économique et commerciale du moment. Dès la fin du IXe siècle, la coutume fit que le trône de Kiev occupa une position dominante dans cette Rus, confortée par les contes de l'époque reprenant les paroles d'Oleg le Prophète à propos de Kiev : «Qu’elle soit la mère de toutes les villes russes». 

 

Vladimir Poutine le rappelait le 18 mars 2014, en parlant de la «petite Russie» qu'est l'Ukraine pour les Russes : «Permettez-moi de dire très franchement que ce qui se passe actuellement en Ukraine (juste après le coup d’État fasciste NdA) nous touche profondément et qu'il est douloureux pour nous de voir la souffrance de la population et son incertitude sur la façon de s'en sortir aujourd'hui et sur ce qui l'attend demain. Nos préoccupations sont compréhensibles parce que nous ne sommes pas simplement de proches voisins, mais, comme je l'ai dit plusieurs fois déjà, nous sommes un même peuple, une même nation. Kiev est la mère des villes russes. La Rus' de Kiev ancienne est notre source commune et nous ne pouvons pas vivre l'un sans l'autre. (https://www.les-crises.fr/discours-poutine-crimee/). C'est pourquoi la Russie a toujours voulu «réunifier» un peuple tel qu'à cette époque. J'invite ceux que cette déclaration ne convaincrait toujours pas, à réfléchir intensément à la déchirure que fut la perte de l'Alsace-Lorraine chez nous en 1871, devenant même la cause - au moins officielle - de la première guerre mondiale...

 

Extrait de l'article écrit par le «diable», alias Vladimir Poutine, le 12 juillet 2021, intitulé : De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens (kremlin.ru).

 

Dès l'époque de cette Rus, le christianisme orthodoxe devint religion d’État, choix spirituel de Saint Vladimir, à la fois prince de Novgorod et grand prince de Kiev, cimentant l'unité nationale et participant largement aux affinités qui traversèrent les siècles. L'intrusion des Mongols de Batu Kan et la destruction de Kiev, en 1240, cèlera l'avenir de la Rus', son Peuple se séparant en deux entités distinctes. Ceux qui devinrent les Russes fuiront vers le nord et l'est, passeront sous le contrôle de la Horde d'Or, conservant une souveraineté limitée tout en organisant la reconquête sur les envahisseurs dès le 14ème siècle. Les autres restèrent sur place, les terres russes du sud et de l'ouest furent en grande partie rattachées au grand-Duché de Lituanie qui – et c'est important – est désigné dans les documents historiques comme le grand-Duché de Lituanie et de Russie.

 

Quels enseignements tirer de la carte ci-dessous ? À l'issue de plusieurs guerres entre cosaques et Polonais (1625-1637; 1648-1654), l'hetman Bogdan Khmelnitski se plaça sous la protection du tsar de Moscou (traité de Pereïaslav, 1654), suivant ainsi les tendances de la population à s'écarter de la Pologne. Désormais la population non cosaque de l'Ukraine orientale dépendait de l'administration russe et le clergé ukrainien du patriarcat de Moscou.

 

Source OneWorld Press Andrew Korybko by Saker Francophone

 

En 1667, le traité d'Androussovo entérina partagea l'Ukraine entre la Pologne et la Russie, cette dernière conservant la rive gauche du Dniepr et la région de Kiev. La partie teintée en orange de la carte correspond à l'Ukraine de cette époque. 

 

Le conflit contre l'empire ottoman aboutit à la signature du traité de Kutchuk-Kaïnardji (1774) et l'annexion de la Crimée (1783), partie mauve, cédée illégalement par Khrouchtchev à l'Ukraine, tout en conservant son nom initial de République AUTONOME de Crimée. Conformément aux clauses du pacte germano-soviétique de non-agression (août 1939), l'URSS annexa les territoires polonais peuplés d'Ukrainiens, ainsi que la Bucovine et la Bessarabie (1940), réalisant ainsi le rassemblement de la quasi-totalité de la nation ukrainienne, zone verte. L'Histoire officielle étant très discrète sur ce sujet au moins, rappelons que ces territoires «polonais» étaient ceux que l'Allemagne avait volé à la Russie à la signature du traité de Brest-Litovsk, le 3 mars 1918. S'y rajoutaient les territoires pris par la Pologne, avec l'aide de la France en 1920/21. Cette falsification fut de toutes les époques, il suffit également de se rappeler la «dékoulakisation» de l'agriculture ukrainienne par Staline et sa responsabilité dans la famine des années 31-33. Mark Tauger, historien étasunien sortant du lot par la simple analyse plus objective qu'il fit de cette période, relativise cette responsabilité (Mark Tauger Famine et transformation agricole en URSSDelga éditeur2017). S'appuyant sur le fait que cette famine toucha non seulement l'Ukraine, mais aussi une grande partie de l'URSS, il scinde la responsabilité – réelle – de l’État et l'acte intentionnel qui ne semble exister que dans la propagande néonazie ukrainienne. A cette époque, l'équipe au pouvoir avait surtout mal géré une crise liant des paramètres aussi variés que climatiques, humains et derniers relents de la guerre totale que l'occident déclara à la Russie avant même la fin de la première guerre mondiale.

 

Depuis l'indépendance, ou la géopolitique pour tous...

 

A la disparition de l'URSS, la RSS (République Socialiste Soviétique) d'Ukraine choisira l'«indépendance», très largement encouragée dans cette voie par les pays occidentaux. L'occasion était si belle pour eux de profiter de la déliquescence de la seconde puissance mondiale pour encore resserrer le garrot l'enserrant depuis toujours. De plus, qu'avait à faire Eltsine de cette Ukraine, partie non négligeable de l'ancien empire, alors qu'il laissait les financiers de tous pays piller le sien sans vergogne? Était-ce pour oublier sa trahison qu'il buvait ? Jacques Sapir narra les importantes dissensions dont il fut le témoin aux États-Unis, de 1991 jusqu'à la fin de 1992, entre analystes militaires et responsables de la CIA, opposés à l’indépendance de l’Ukraine et les responsables du Département d’État, favorables à celle-ci. La crainte que ce «nouveau» pays puisse récupérer les armes nucléaires soviétiques présentes sur son territoire était la base de cette opposition des services de renseignements. Avoir été averti par les Soviétiques que le système de sécurité des bombes nucléaires embarquables par les bombardiers était bien moins fiable que celui des missiles, pouvait effectivement donner quelques migraines à l'Ouest.

 

Où en était - à la veille du coup d'état de février 2014 - la seconde république soviétique pour la richesse, derrière la Russie en 1991 ? Sur «conseil» de l'ambassade étasunienne de Kiev trop contente de nuire, si près de la frontière russe, l'ex-centre industriel majeur, fabriquant des produits de haute technologie, possédant des écoles scientifiques, de design et d’ingénierie de classe mondiale durant la période soviétique, sombra. Aujourd’hui les Ukrainiens récoltent la coupure, dès leur «indépendance», de la plupart de leurs liens commerciaux avec la Russie, les ex-géants industriels faisant autrefois sa fierté et celle de l'URSS toute entière, sont maintenant, pour la plupartfriches industrielles. La production industrielle a chuté de 42 % en dix ans. L’ampleur de cette désindustrialisation et de la dégradation économique générale est visible dans la production d’électricité de l’Ukraine, divisée par près de deux en 30 ans.

 

Selon les rapports du FMI, en 2019, avant le coronavirus, le PIB par habitant chuta de 50% en 1997 et n'est remonté, aujourd'hui, qu'à 80% du niveau initial. Inférieur à 4000 dollars, c’est moins qu’en Albanie, en Moldavie ou au Kosovo non reconnu. Aujourd’hui, l’Ukraine est le pays le plus pauvre d’Europe. Avec 100 € mensuelle salaire minimum Ukrainien est 30 % inférieur au minimum chinois. 

 

Depuis le coup d’État, le volume des transactions commerciales entre Russie et Ukraine, est passé de plus de 82 milliards de dollars entre 1991 et 2013, à seulement 1,5 milliard de dollars de paiements russes pour le transit du gaz vers l’Europe. Situation uniquement due à la russophobie des dirigeants de ce dernier pays, encouragée par l'UE et les États-Unis.

 

Selon le blog «Les Crises» du 2 mai 2014 (U1-6 Comprendre l'Ukraine, le PIB)le revenu par ukrainien est toujours :

- 8 à 10 fois inférieur à celui d’un Français ou d’un Étasunien

- 4 fois inférieur à celui d’un Russe

- 3 fois inférieur à celui d'un Roumain

- 40 % inférieur à un Namibien ou un Irakien !!!

 

Il est également facile de démontrer le tort considérable que la corruption des oligarques ukrainiens et de leurs pantins politiques fait peser sur leur propre pays depuis cette indépendance, 50 oligarques représentent 85 % du PIB. Dans ces conditions, comment s'étonner, de son dépeuplement à partir de cette indépendance, face à ce stress social et économique ? Débutée au début des années 1990, elle continue aujourd'hui, aboutissant à une perte imposante de quelque 20 % du total. Ajoutez l'émigration massive à la suite du coup d’État soi-disant populaire de 2014, les 20% sont là. Une partie des jeunes hommes s'exilèrent vers la Pologne – signe dévastateur de leur niveau de vie – une partie des jeunes femmes figurent sur les catalogues de femmes à vendre pour mariage de par le monde ou se prostituant dans l'Europe entière. 

(https://www.ukrainedate.com/fr?&ef_id=EAIaIQobChMI3-fXubOE6wIVyPZRCh1ajAFQEAMYASAAEgK_-_D_BwE:G:s&ovchn=GGL&ovcpn=French+France&ovcrn=%2Bukrainienne&ovmtc=b&ovraw=g&ovtac=PPC&gclid=EAIaIQobChMI3-fXubOE6wIVyPZRCh1ajAFQEAMYASAAEgK_-_D_BwE). 

 

Les Ukrainiens moururent également d’une combinaison de nourriture de mauvaise qualité, de manque d’installations de soins de santé, de mauvais gouvernement, de dépression, de drogues dures et d’alcool.

 

Aujourd'hui, bien que ses dirigeants parlent toujours de la Russie comme du pays agresseur, plusieurs centaines de milliers d'Ukrainiens y travaillent. Leur pays d'origine se dirige à grands pas vers un effondrement complet et fut récemment réduit à commencer à vendre sa terre – sans doute le dernier produit de valeur existant – exigence du FMI pour la maintenir un peu plus longtemps en survie financière. Ce ne sont là que quelques exemples de la gangrène existante depuis l'indépendance, le pouvoir ukrainien tentant de la cacher à la population derrière une haine anti-russe allant jusqu'à réécrire l'Histoire. Terminée la Grande Guerre Patriotique boutant l'Allemand hors du sol national en général et de l'Ukraine, première victime, place à la glorification de la participation minoritaire ukrainienne à la barbarie allemande. Entre autres, la commémoration officielle du sinistre Stepan Bandera, criminel de guerre (https://www.bibliomonde.fr/almanach/stepan-bandera-1er-janvier-ukraine-lviv-kiev) ayant apporté son aide dans l’élimination des populations israélites comme des partisans.

 

Son nom fut également donné à une avenue de Kiev... Pour rappel, un des slogans de cette bande fasciste était «noyer le dernier polonais et le dernier russe dans le sang du dernier juif». Ils eurent malheureusement le temps de démontrer qu'il ne s'agissait pas d'une formule creuse. Rajoutons également l'appel au souvenir national de la Waffen SS grenadier division ukrainienne Galicia pour mieux apprécier l'ampleur du négativisme et du fascisme actuel. Cette œuvre de sabotage officiel de l'Histoire fait que la majorité de la jeunesse née juste avant ou au début de «l'indépendance», au moins dans la zone occidentale du pays, ne connaît que la version glorifiant les pro-nazis et chargeant les Russes de toutes les turpitudes. Leur haine, bien attisée par l'occident, les a fait se tourner vers ces groupes armés (Pravij-Sektor, Azov...).

 

Comment, dans ces conditions espérer encore une coexistence pacifique entre les deux peuples, y compris à l'intérieur de l'Ukraine avec le Donbass non pas pro-russe, comme l'affirme la propagande occidentale, mais de souche et de langue russe depuis des siècles ? La seule chance de quiétude ne peut maintenant venir que de l'éclatement de ce pseudo pays, certains parlant de pays 404 en référence au code Internet pour ce qui n'existe pas.

 

Le reste de cette présentation sera l'exposé malodorant de la corruption galopante des «élites» du pays, l'ayant amené, depuis cette date, au poste non enviable de n°1 mondial de cette triste spécialité selon le cabinet étasunien Ernst & YoungLe Président Leonid Koutchma, corrompu notoire, inculpé en 2011 de complicité dans l’assassinat d’un journaliste, était mené par l'«amicale» pression de son gendre, Viktor Pintchouk baptisé le «roi des pipelines». Troisième plus grande fortune d'Ukraine avec 3 milliards de dollars, il améliora encore sa position financière en devenant le fournisseur désigné des tuyaux d'acier transportant le gaz. Plus directement, son Premier ministre Pavlo Lazarenko, fondra une société de négoce de gaz avec sa maîtresse, la financière Ioulia Timochenko, surnommée «la princesse du gaz»Il devra fuir le pays, un peu après, étant accusé d’avoir détourné avec son entreprise la bagatelle de 200 millions de $. Il sera condamné à 9 ans de prison en 2006. Devenue l’une des premières fortunes d’Ukraine, la dame échappa mystérieusement aux poursuites lancées contre son amant, même si elle passa 2 mois en prison. Relookée en paysanne ukrainienne blonde par des conseillers étasuniens, elle ne sera que 7 mois Première ministre, lors de son passage à ce poste. D’après les télégrammes de l’ambassade étasunienne à Kiev - révélés par Wikileaks - son bilan se résumait alors en ces termes : «paralysie politique, gabegie, économie étouffée par la corruption»« Près d’un quart de l’argent qui a circulé au travers des passations de marchés publics en 2009 (soit environ 5 milliards de dollars) ont été «volés» selon la même ambassade (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ioulia_Timochenko )

 

La dame, puissante et sans scrupule jouait un double jeu : soutenue en sous-main par ces oligarques dont elle était si proche, elle les qualifiait publiquement de “cancer”. Elle sera poursuivie en 2012 pour le meurtre de plusieurs personnes : le député Evgueni Chtcherban et sa famille, puis l’homme d’affaires Alexander Momot en 1996 et Vadym Hetman, ancien gouverneur de la Banque nationale d’Ukraine en 1998. Autre premier ministre, Viktor Ianoukovytch, l'homme phare des oligarques du sud et de l'est du payscondamné dans sa jeunesse à 3 ans de prison pour vol puis à 2 ans pour coups et blessures – une «erreur de jeunesse» selon lui - sera élu Président en 2010. Bien conseillé par son fils Oleksander, autre oligarque, il ne manquera pas de perpétuer la «tradition» de la corruption, mais le coup d’État de 2014 - le chapitre suivant lui sera dédié - passa par là, Ianoukovytch fuira le pays. Ioulia Timochenko fut amnistiée, aspect complémentaire de la pseudo probité intellectuelle des nouveaux dirigeants imposés par la force. Quelques semaines plus tard, la justice anglaise mettait la main sur 85 comptes bancaires à Londres, au nom de cette dernière, comportant des millions de dollars.

 

Le gaz russe alimentant l'Europe aujourd'hui fut découvert dans les années 60. L'oléoduc Friendship fut construit en 1964, suivi par d'autres, dès que l'Allemagne de l'Ouest commença à acheter du gaz, durant la période soviétique. Un contrat de gazoduc reliant Urengoi en Sibérie septentrionale à la Bavière, sera signé par un consortium d'industries lourdes, dirigé par la Deutche Bank en 1980.

 

Après l'effondrement de l'URSS, le gaz continua de transiter par le réseau de pipelines – construit en son temps par cette dernière – traversant l'Ukraine devenue, entre temps indépendante et surtout la proie de clans d'oligarques ukrainiens rivaux. Pour la plupart d'entre eux, ce gaz était une source d'enrichissement rapide, d'où les luttes intestines. Liées à la mauvaise gestion économique générale, elles entraînèrent des arriérés de paiement suffisamment important pour déclencher des coupures répétées de l'approvisionnement depuis la Russie. Gazprom, compagnie d’État russe chercha alors les moyens de contourner le réseau ukrainien trop soumis aux intérêts privés, cela constituera un des éléments clé de l'intervention occidentale ultérieure en Ukraine.

 

Déjà en mai 2006, quelques mois après un énième arrêt de la distribution de gaz, pour un énième défaut de paiement, le Senat étasunien adopta à l'unanimité une résolution appelant l'OTAN à protéger la sécurité énergétique de ses membres et à lui faire développer une stratégie de diversification, loin de la Russie. Cette stratégie consistait à contraindre les européens de l'ouest à se tourner vers le gaz étasunien, trois fois plus cher et plus aléatoire, «libre concurrence» façon Washington. Dans un discours très remarqué avant le sommet de l'OTAN à Riga (Lettonie), en novembre 2006, le sénateur Richard Lugar se prononçait en faveur de la désignation de la «manipulation» de l'approvisionnement en énergie en tant qu'«arme» pouvant activer l'article 5 du traité de l'OTAN (loi commune de défense). En clair, si un pays bien noté par Washington ne payait pas ses factures de gaz à la Russie et que celle-ci coupait la fourniture – ce que font tous les créanciers impayés de par le monde – c'était une déclaration de guerre de la Russie pouvant amener une réponse militaire de l'OTAN et de son maître les États-Unis. Menace toute verbale devant la division intérieure de l'OTAN et le différentiel actuel d'armement ne poussant pas les roquets Atlantistes à l'affrontement direct.

 

L'un des aspects de la renaissance d'une Russie souveraine était le projet d'une union économique eurasienne, visant à rétablir les relations du type gagnant/gagnant avec les anciennes républiques soviétiques. L'Ukraine y obtint rapidement le statut d'observateur. Cette connexion eurasienne constituait, dès ce moment, une menace directe pour la cohésion du bloc Atlantiste élargi, malgré les promesses de Washington à Gorbatchev, alliance principalement basée sur le rapport de force.

 

Outre Nord et South Stream, les deux nouveaux oléoducs projetés vers l'UE, la collaboration entre Gazprom et le NIOC iranien, comme la création d'un partenariat d'entreprise entre la Russe et la ENI italienne en Libye déclenchèrent l'alarme à Washington. Le partenariat oriental de l'UE ne fut que la réponse directe à cette inquiétude étasunienne. En 2008, elle proposa à l'Ukraine et à d'autres ex-républiques soviétiques, un accord d'association basé sur un remaniement économique néolibéral et des dispositions amenant l'alignement sur la politique de «sécurité» de l'OTAN.

 

Toujours cette volonté d'étrangler la Russie. Ce geste démontrait, sans fard à ceux pouvant encore se bercer d'illusions, que l'UE agissait désormais comme sous-traitant du plus grand projet russophobe élaboré à Washington. Il s'agissait de la doctrine globale mise au point en 2004 par Stephen Krasner, professeur à Stanfordnouveau directeur de la planification des politiques au Département d’État étasunien (Affaires Étrangères) et Carlos Pascual, ancien ambassadeur étasunien à Kiev. Elle comportait une liste des mesures à prendre pour instaurer la «démocratie de marché», terme ambigu décrivant la possibilité, pour les États-Unis, de piller les candidats en toute quiétude.

 

Sa position géographique faisait de l'Ukraine une cible prioritaire pour cette expérimentation, la Russie commençant – commençant seulement – à contester la pression exercée par l'ouest. Bien sûr, les réformes envisagées par l'UE seraient dévastatrices pour la structure de pouvoir ukrainienne, en particulier pour les oligarques du Donbass dont le chef de file était Ianoukovytch. Leurs actifs industriels lourds seraient balayés par la concurrence européenne comme étasunienne, le pays étant destiné à devenir uniquement un fournisseur agricole, tandis que le gaz russe serait définitivement coupé et remplacé par l'étasunien à un autre coût. Les structures syndicales paysannes, principalement françaises, toutes attachée à la collaboration, ne virent même pas le piège mortel qui se présentait, le différentiel de coût de la main d’œuvre amenant rapidement la disparition de la petite et moyenne paysannerie française.

 

Dès 1994, l'Ukraine, spécialiste du double-jeu, devint la première ex-république soviétique accédant à ce partenariat pour la paix (sic), nouvelle anti-chambre pour l'adhésion à l'OTAN. Afin d'apaiser les inquiétudes justifiées des Russes face à cette progression de l'ouest, l'Acte fondateur OTAN/Russie de 1997 prévoyait qu'aucun armement nucléaire, aucun déploiement permanent de troupes ne se dérouleraient dans ces nouveaux États membres. Les promesses étasuniennes n'engagent que ceux qui veulent bien y croire, les exemples de reniements ne manquant pas. Mais Eltsine avait initié tant d'autres problèmes internes et laissé le champ libre aux prédateurs occidentaux, qu'il n'était plus à un manquement près envers son pays. Boire ou conduire (son pays), il faut choisir.

 

Dans un rapport au parlement européen de 2008, le directeur du Eurasian policy Center du très étasunien Institut Hudson n'hésita pas à recommander à l'UE d'aider la libéralisation et la modernisation du réseau ukrainien au lieu de soutenir South StreamAvec franchise il indiquait dans ce document que la tension dans la région de la mer Noire pouvait servir à bloquer complètement ce pipeline. Nouveau revers étasunien, aujourd'hui South Stream envoie des milliards de m3 de gaz par l'Europe du sud. Ce fait confirme les très étroites limites de la pseudo indépendance de l'UE, ses soubresauts politiques n'étant, la plus part du temps, que la résultante d'études, de conseils ou d'ordres étasuniens.

 

En 2003, le Président de la Commission européenne avait confié : «l’Ukraine n’est pas plus européenne que la Nouvelle-Zélande»

 

En 2008, un câble confidentiel de l'ambassadeur étasunien à Kiev - révélé par Wikileaks - avertissait son gouvernement que l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN dépasserait largement ce que la Russie pourrait accepter. Il était toutefois devenu impératif que l'Ukraine entra dans la sphère d'influence occidentale, oligarques ukrainiens et grand patronat - européen comme étasunien - étant alléchés par cette main d’œuvre à vil prix. L'OTAN et donc le gouvernement étasunien, était, de plus, tellement pressés de compléter le cordon de feu entourant la Russie, qu'ils poussait ses vassaux européens à la roue.

 

Comme si cette situation économique grave ne suffisait pas, deux langues principales sont parlées au quotidien, l'Ukrainien et le Russe, emblématiques de l'éclatement et de l'irréalité de ce pays, sous la forme actuelle. Cette bipolarité linguistique est telle que, dans la capitale, l'usage des deux langues est requises, les russophones étant légèrement plus nombreux que les ukrainophones, au moins avant le coup d’État.

 

Si la dernière langue citée n'intéresse globalement «que» 30% de la population, la répartition démontre l'étendue du problème. Parlée par seulement 3% de la population vers la frontière polonaise – zone où se trouvent la majorité des groupes néo-nazis – elle l'est par 70% dans l'est du pays, allant jusqu'à 90% en Crimée. On mesure mieux ainsi la portée de la décision hystérique de la clique maintenant au pouvoir en faisant voter l'interdiction de la langue russe sur le territoire, y compris son apprentissage scolaire et le traumatisme causé, à l'est du pays par cet oukase.

 

Faut-il y voir de plus un rapport de cause à effet, l'industrie ne représentait, en 2013, que 2 à 5% à l'ouest, côté Pologne, mais 16% dans le Donbass, seule région ukrainienne où ce chiffre est supérieur à 10%. Bien entendu, le PIB reflète également ce séparatisme, le Donbass y participant pour 12% contre 1% pour la Galicie. Au vu du revenu moyen ukrainien, comment imaginer le différentiel de revenu de ces deux régions ?

 

260 euros mensuels en 2013 pour le Donbass, 175 pour la Galicie. Ces différences pouvant également être étendues aux religions pratiquées et à la quasi totalité des faits de la vie courante. On mesure pleinement les raisons de l'impossibilité de vivre harmonieusement hors d'un fédéralisme permettant l'autonomie de chaque courant de pensée dans un cadre global. Diviser pour mieux régner étant un slogan multinational, dès 2014, le régime fascisant de Kiev fit tout pour séparer ceux qui se considèrent comme des Russes, des Ukrainiens ou des Biélorusses au sein de la même nation depuis des décennies. Fin du droit de chaque individu, ils en sont au changement d’identité forcé, les Russes d’Ukraine doivent non seulement renier leurs racines, les générations de leurs ancêtres, mais aussi croire que la Russie est leur ennemi.

 

On peut d'autant plus parler d'épuration ethnique – basée, comme les autres, sur des arguments totalement fallacieux – que cette année 2021 vit le nouveau caniche Président présenter à la Rada – assemblée nationale ukrainienne - un projet de loi sur les «peuples indigènes». La connotation fasciste et raciste est claire. Seuls seront considérés comme autochtones les minorités ethniques n'ayant pas leur propre entité étatique en dehors de l’Ukraine, le clin d’œil à ceux du Donbass ne saurait être plus clair. Le comble est de savoir que la loi fut adoptée...

 

La chasse à l'homme et la Saint-Barthélémy locale étaient à portée de main, en fait cette dernière commença dès 2014, par des tirs aussi sauvages qu'aveugles de l'artillerie et des snipers ukrainiens sur les civils innocents ayant le tort de vivre à l'est. Plus de 13 000 morts, pour le plus grand nombre femmes, enfants et vieillards, furent le prix de cette lâcheté de l'armée ukrainienne et de ses bataillons fanatiques, pour la plupart en première ligne.

 

Depuis ce coup d’État, l’Ukraine a bénéficié d’une assistance militaire massive (et furtive) de l’OTAN. Cette dernière forma à ses normes et équipa une armée ukrainienne d’un quart de million d’hommes. Ses formateurs furent présents tout au long du processus, tandis que ses «conseillers» supervisaient les préparatifs des bunkers profonds et hautement fortifiés dans le Donbass, à l’ouest de la ligne de contact. Ces bunkers devaient servir de point de départ à un assaut contre les républiques du Donbass. (L’assaut fut anticipé par Moscou lorsqu'il reçu des renseignements exposant le plan opérationnel de Kiev et sa date de mise en œuvre, début mars NdA). 

 

Ceci explique le temps qu'il fallut pour nettoyer cette ligne Maginot ukrainienne en 2022. Ce pays reste un cas très particulier dans la politique de toujours des États-Unis. L'aide militaire de 2014 à nos jours vient de leur désir profond d’infliger à la Russie tout à la fois humiliation, effondrement économique et changement de régime. Cette dernière n'était pas prête en 2014 à un affrontement militaire doublé de sanctions économiques, mais les populations du Donbass quasiment seules ont infligé un revers cuisant à la conquête prévue de la totalité du territoire ukrainien.

 

Le plan d'Obama (prix Nobel de la Paix !) était de récupérer la Crimée pour installer des bases navales et aériennes sur la frontière russe. Le fiasco de l'installation de missiles nucléaires en Turquie au début des années 60, fiasco achevé dans la crise de Cuba n'avait servi à rien à Washington pour savoir apprécier les limites à ne pas dépasser.

 

L'Occident s'était aussi engagé par écrit, au début des années 90 à ce que les limites de l'OTAN de l'époque n'avancent pas d'un pouce à l'est de l'Oder, dans le cadre de la réunification de l'Allemagne. Déclaration de James Baker, secrétaire d’État à Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire du Comité Central du PCUS en février 1990. Bien sûr, certains prétendent qu'aucune promesse n'a jamais été faite, on ne peut que leur conseiller de relire les mémoires de l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Moscou à ce moment, Sir Rodric Braithwaite, De l'autre côté de la Moskova : le monde à l'envers. (New Haven, Connecticut : Yale University Press), publiées en 2002, tout y est détaillé. Comment croire par ailleurs, des politicards capables de tels reniements ?

 

Même la vie religieuse fut affectée par la clique au pouvoir. Les autorités ne cachant pas leurs objectifs politiques, se sont immiscées de manière flagrante dans la vie de l’Église et ont provoqué une scission, la saisie d’églises, le passage à tabac de prêtres et de moines. Le régime ne supporte même plus une large autonomie de l’Église orthodoxe ukrainienne, conservant l’unité spirituelle avec le Patriarcat de Moscou. Ils doivent à tout prix détruire ce symbole éminent et historique de parenté. Ce fut donc la prise en compte d'une autorité religieuse fantoche, devenant référence spirituelle imposée.

 

Puisque la Crimée fut évoquée un peu avant, rappelons qu'elle augmenta le territoire de la Russie tsariste dès 1774, lui donnant son indépendance... mais dans l'orbite russe où elle poursuivit son histoire. Même Khrouchtchev cédant en toute illégalité la Crimée à l'État dont il était originaire, ne changea rien à son appellation, République Autonome de Crimée depuis la création de l'URSS, en disant long sur l'incurie volontaire des médias à ce sujet.

 

 

 

 



29/08/2022
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